6 novembre 2014

L’orientation maritime du nouveau gouvernement indonésien

Un grand projet, une lourde tâche.



Le Président Joko Widodo

Le septième Président de l’Indonésie, Joko Widodo, a pris ses fonctions le 20 octobre 2014. Elu avec une confortable majorité au scrutin universel direct, il suscite un nouvel élan au sein de cette troisième plus grande démocratie du monde (après l’Inde et les Etats-Unis), pays qui concentre le plus grand nombre de musulmans au monde (sans être un Etat islamique, ou un « Etat musulman ») et surtout un pays qui est le plus grand Etat archipélagique du monde.

Cet élan populaire qui l’a conduit au pouvoir tient au fait que Joko Widodo, familièrement appelé Jokowi, n’est pas issu du sérail politique ou militaire comme la plupart de ses prédécesseurs. C’est un simple homme d’affaires aux origines modestes, à l’allure simple, qui a débuté dans le commerce de mobilier au cœur de Java, avant de devenir maire de Solo puis Gouverneur de Jakarta et enfin Président de son pays de 250 millions d’habitants.

Lors de son discours d’inauguration, il a avancé les grand axes de sa politique (visi) et les moyens qu’il compte mettre en œuvre (misi) pour cela. Par son propos, il a donné le ton de ce que sera son mandant de cinq ans ; une tonalité dont il faut souligner les accents et certains particulièrement. Ainsi, nous nous limiterons, dans notre propos, à expliciter les éléments de stratégie de politique maritime que met en avant dans son discours le nouveau Président. Fait majeur s’il en était, cette revitalisation de l’élément maritime remet en vigueur des notions ancestrales, traditionnelles, fondatrices mais aussi et surtout vitales de ce pays d’Asie du Sud-Est. Nous tenterons de développer ce que pourrait être une politique maritime pour l’Indonésie.

L'Asie du Sud-Est (détail carte IGN)

L’annonce

Dans les principes essentiels de son discours d’inauguration, Jokowi rappelle que l’Indonésie doit être « un pays souverain politiquement, auto-suffisant économiquement, et avec un caractère fort culturellement ». C’est l’affirmation claire d’une identité consciente d’elle-même et qui tient à se poursuivre ;  élément fort judicieux en ces temps de mondialisme, de dissolution de tout ce qui peut constituer un peuple vraiment libre.

Jokowi demande à son peuple de participer à cette tâche en « travaillant dur » (terme répété plusieurs fois) ceci dans l’esprit indonésien de Gotong Royong, c’est-à-dire non individuellement (à la façon anglo-saxonne), mais dans un esprit de coopération et d’échange mutuels au bénéfice de tous. Jokowi lance un appel à l’unité du pays, au nom de la liberté (merdeka). Notons que le terme merdeka revêt un caractère particulier, sensible, dans l’esprit des indonésiens, en ceci qu’il évoque explicitement non seulement les durs combats (revolusi) qui ont conduit leur pays à l’indépendance en 1945 (officiellement en 1949 à l’ONU), mais aussi ceux menés pour maintenir cette indépendance face aux deux blocs et aux impérialismes de l’après-guerre (par le Président d’alors, Soekarno). Le combat que doivent mener aujourd’hui les Indonésiens est celui du travail ; c’est le défi que lance le nouveau Président.

Par ailleurs, le Président Jokowi réaffirme la présence de l’Etat et de son gouvernement aux côtés de ses administrés. Ainsi, les Indonésiens ne doivent-ils plus se sentir abandonnés ou encore relégués au second plan par l’appareil étatique et ses institutions (lembaga negara) ; ceux-ci accompliront leurs tâches respectives « pour une nation plus forte ».



L'emblème de la Marine Nationale Indonésienne (TNI-AL)


En réaffirmant l’identité de l’Indonésie (1), Jokowi souligne également, de manière explicite, la restauration de son pays en tant que « pays maritime » (2). C’est un principe ancestral de l’Indonésie qui est ici mis au premier plan, celui de l’importance cruciale de l’élément maritime et ce qu’il compose, suppose et impose. Ce principe de « jalesveva jayamahe » que Jokowi veut remettre à l’honneur - et en œuvre - a été, selon lui, mis en sommeil trop longtemps et il s’agit donc qu’il « fasse de nouveau écho ». En effet, force est de constater qu’au cours de la mandature précédente, quand bien même le Président Susilo Bambang Yudhoyono (3) avait les coudées franches (deux mandats), avait évoqué publiquement ce thème, avait les personnes compétentes à ses côtés (on peut citer notamment Dino Patti Djalal dont la thèse (4) de doctorat traitait excellemment du sujet en question, à savoir : « Concepts géopolitiques et comportement territorial maritime dans la politique étrangère indonésienne »), rien n’a été malheureusement fait de façon majeure, durant dix ans, dans le sens d’une réelle politique maritime en Indonésie.

Le pays qu’est l’Indonésie se définit lui-même (dans la langue nationale) par le terme Tanah air, c’est-à-dire littéralement « terre et eau » ; une preuve s’il en était que l’élément maritime est indissociable de l’élément terrestre dans la conception que les indonésiens ont de leur espace national territorial. Dans cette perspective, la mer unit davantage qu’elle ne divise ; elle est partie intégrante, intégratrice du territoire indonésien. Si l’Indonésie est devenue officiellement un « pays archipélagique » en 1982 (5), elle était déjà depuis bien plus longtemps (6) inscrite dans les pratiques, les mentalités et les mémoires (7). Ainsi la notion traditionnelle de Wawasan Nusantara - laquelle souligne d’une part la structure fragmentée du territoire nationa indonésien mais aussi l’importance vitale, stratégique, du maintien de l’intégrité (et l’unité) de l’élément terrestre et de l’élément maritime - transparaît-elle dans le discours du Président bien qu’elle ne soit pas évoquée nommément, trop marquée peut-être par son aspect stratégique militaire.

Soulignons que la mer n'est pas vraiment un élément familier chez les Javanais (ethnie majoritaire en Indonésie) mais plutôt chez d'autres ethnies de l'archipel et notamment chez les Bugis (habitants de Célèbes). Ainsi, mettre en avant l'élément maritime dans la politique qu'il compte appliquer durant son mandat, est-il notable de la part de Joko Widodo qui est un Javanais du centre de Java - le cœur du cœur de l'Indonésie, pour autant que l'on considère Java comme le centre du pays.

Joko Widodo a nommé dans son gouvernement un ministre coordinateur des affaires maritimes ; c’est une création de poste. En confiant cette tâche à Indroyono Soesilo (âgé de 59 ans, originaire de Bandung, Java Ouest, ancien directeur au Département des pêches et de l'aquaculture à la FAO, l'organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture), Jokowi donne un signal fort, non seulement dans le sens d’une prise de conscience de l’élément maritime comme axe stratégique de la politique qu’il entend mener, mais aussi des jalons posées pour la mettre en œuvre. C’est une bonne augure pour la politique maritime de l’Indonésie.


Indonésie : Terre et Mer (Tanah Air)

Une politique maritime pour l’Indonésie


L’Indonésie ne peut effectivement faire l’économie d’une politique maritime. Constituée de près de 14 000 îles, regroupées en huit pôles (Sumatra, Java, Les îles de la Sonde, Kalimantan, Célèbes, les Moluques et la Papouasie occidentale), l’Indonésie s’étend sur 5 000 kilomètres d’Est en Ouest et sur 2 000 kilomètres du Nord au Sud. C’est un géant de l’Asie du Sud-Est, avec une position géostratégique majeure (zone de passage obligée entre l’Océan Indien d’une part et le Pacifique et la Mer de Chine Orientale d’autre part), avec ses 250 millions d’habitants, une population jeune et de multiples ressources naturelles. Des atouts qu’il s’agit de (bien) jouer pour le bénéfice des indonésiens et de bien articuler sur le long terme ; c’est en ce sens que cette politique relève de la stratégie.

Il est donc nécessaire de la penser pour pouvoir l’orienter correctement et la mettre en œuvre de manière durable et efficace, efficiente. Comment alors appréhender une telle politique maritime, tant il ne suffit pas de la décréter pour qu’elle soit ? Avoir nommé un ministre coordinateur des affaires maritime (création de poste), c’est plus qu’en avoir conscience, c’est déjà vouloir concrètement l’appliquer. Un ministre coordinateur en la matière est fondamental, nécessaire, tant une telle politique requiert une approche transversale, interministérielle. Une telle stratégie pourrait s’opérer par exemple sur quatre fronts : la diffusion de l’information sur cette politique menée (dans une démarche d’affirmation du cap choisi) ; la définition et l’exploitation de cette politique ; la mise en œuvre de sa protection globale, durable ; et enfin la défense de cette politique pour sa conservation pérenne.

Diffuser


Une fois la prise de conscience effectuée, par delà une nomination, il faut poursuivre et étendre cette conscience, susciter les actions et motiver tous les acteurs. Cela peut se faire via une politique de communication dirigée vers tous les agents potentiels (8) du pays et également au-delà, c’est-à-dire auprès des organismes internationaux (9), régionaux (10), auprès des Etats proches et lointains (de façon bilatérale directe). Cette communication n’est pas à prendre à la légère ; c’est un vecteur qui doit être alimenté constamment et pensé à quatre niveaux (local, national, régional, international). Annonces, créations d’événements, enseignement, valorisation et récompenses de toutes les actions entreprises qui vont dans le sens de la politique maritime ; autant d’éléments participant à la diffusion de la reprise de conscience maritime indonésienne.


Logo du Bakorkamla

Acteurs et difficultés


Une instance de coordination existante devrait être utilisée à plein régime, le Bakorkamla (11). Regroupant de nombreux ministères (12), sous la direction du Président de la République et dirigée actuellement par le ministre coordinateur des affaires politiques, légales et de sécurité (13), cette agence est à même de remplir une part importante des programmes et des actions découlant de cette politique maritime lancée par Joko Widodo. Ses missions (14) recoupent les grands éléments de cette politique formulés ici. Une montée en puissance de cette agence est capitale. Avec le ministre coordinateur des affaires maritimes, ce seront les deux piliers porteurs du projet présidentiel.

Des difficultés pourraient surgir cependant dans la mise en place de cette politique maritime dans les relations entre le gouvernement et les régions. En effet, suite à la loi sur l’autonomie des provinces (15), il pourrait y avoir des freins, voire des blocages et une surenchère politique. Le talent de négociateur du Président nouvellement élu sera mis à l’épreuve ; il sera donc mis à contribution, personnellement, mais aussi les leviers politiques, réglementaires, financiers dont il dispose. Une révision de cette loi sur l’autonomie des provinces sera peut-être nécessaire, mais la faiblesse actuelle du gouvernement - qui ne bénéficie pas d’une majorité au sein de l’Assemblée - limitera malheureusement ses ambitions.

Définir et exploiter


Donner un cadre à la politique que l’on veut entreprendre permet de ne pas s’égarer. C’est un préalable nécessaire. Ainsi, l’espace maritime doit-il être re-défini, cartographié, mis à jour (de façon régulière). Quelles sont les limites et les caractéristiques de cette espace, quelles sont les zones litigieuses et contestées (16), qui sont les acteurs (étatiques ou non) auxquels il y a à faire face dans ces litiges, quel est le degré de complexité, quels sont les priorités (géostratégiques, économiques, écologiques, etc.) dans ces zones, quels sont les ressources naturelles disponibles (17) (inventaires sectoriels systématiques et cycliques), jusqu’où et quand la politique publique doit-elle intervenir, etc. Autant de questions auxquelles il faut répondre non seulement en utilisant les différentes administrations et leurs ressources - les Agences (18), Départements, Conseils, etc. - , mais aussi en créant - ponctuellement ou non - des Comités ou Commissions interministérielles chargées de missions ad-hoc. Le monde de la recherche et des universités devant lui aussi, bien entendu, être mis à contribution.

Une telle phase de définition de l’espace maritime ne peut que se poursuivre par celle de son  exploitation. C’est-à-dire, une phase proprement opérationnelle et surtout continue. Et dans ce long terme, si la question des bénéfices potentiels/réels est incontournable, elle ne peut néanmoins demeurer le seul critère de jugement, tant nous ne sommes plus ici dans une logique de rentabilité mais dans une logique de puissance. L’accroissement de puissance est le but légitime et fondamental que doit poursuivre tout Etat, à moins de vouloir disparaître. « Nous allons dresser le mât, un mât fort. Nous ferons face aux marées dans l’océan avec notre propre puissance », annonce Joko Widodo. L’exploitation de l’espace maritime étant un des mâts du navire « Indonésie », lequel  ne peut rester à quai.

Dans cette perspective, différents domaines doivent être investi : le transport, les ports, les industries en rapport avec le monde de la mer, le tourisme, entre autres. Pour un pays composé de tant d’îles, le transport est essentiel, non seulement pour les personnes mais aussi pour les biens ; et la fluidité est, comme l’on sait, une composante du développement. Quant aux ports, ils sont les marche-pieds de cette dynamique. Ils doivent être multipliés, développés (investissements publics, privés ou en partenariat). Les industries comme la pêche, les ressources halieutiques en général, doivent être encouragées, s’accroître en nombre comme en qualité. La construction navale (civile et militaire), doit également faire partie de cette dynamique tant une autonomie en la matière ne peut que bénéficier aux besoins et à la liberté du pays. Des postes de Préfets maritimes, pour chaque province - il y en a 34, toutes ouvertes sur au moins une façade maritime -, pourraient servir également les intérêts de cette politique maritime. Relais du ministre coordinateur des affaires maritimes sur le terrain, ils seraient chargés d’appliquer et de veiller à la bonne mise en œuvre de la politique du gouvernement en la matière.


Le KRI Dewaruci,
le navire-école de la Marine Nationale Indonésienne

Protéger


Les ressources cartographiées et répertoriées doivent être enfin protégées. Une protection, non seulement contre les prédateurs locaux ou étrangers, mais contre les exploitants indélicats, inconséquents qui causent des dégradations et bouleversent les écosystèmes. Ce qui veut dire que l’exploitation de ces ressources doit échapper au règne de l’immédiat, du profit à court terme. C’est en effet au pérenne qu’il convient de penser. Ainsi, un cadre réglementaire doit-il venir encadrer sans étouffer, faciliter sans compromettre, l’exploitation de ces ressources. Cette vision globale (prévention et gestion des risques, protection de l’environnement, aménagement du littoral, développement économique) entrant parfaitement dans le cadre d’un développement durable.

Sûreté et sécurité maritime


De telles ressources, un tel maillage, une telle richesse potentielle, ne peuvent échapper à la vigilance des autorités. Le pillage des ressources doit être sanctionné (tolérance zéro), les coupables (locaux ou étrangers) traduits devant la cour de justice compétente. Ainsi, la sécurité maritime (contrôle et surveillance des ports, des voies de navigation, des navires, etc.) est-elle primordiale. L’Etat doit se donner les moyens de mettre en œuvre sa politique maritime ; cela relève non seulement de ses responsabilités, mais de son devoir. C’est le rôle assigné en grande partie aux forces armées (la Marine Nationale - TNI-AL - en premier chef) mais également aux autorités de préventions des risques, de surveillance et de secours en mer ; les Préfets maritimes pouvant jouer ici pleinement leur rôle.

Jusqu’ici délaissée au profit d’une armée de Terre (TNI-AD), la Marine nationale indonésienne doit retrouver toute sa place dans un si vaste pays, où la mer dépasse en surface les terres. Des programmes de défense ne peuvent donc faire l’économie d’un accroissement notable de la flotte militaire indonésienne, d’une part via la construction navale locale et d’autre part via des achats auprès des constructeurs et Etats étrangers. Par ailleurs, il ne peut être fait l’impasse sur le domaine de la sûreté maritime - immigration, trafic en tout genre (19), piraterie - , tant l’Indonésie a souffert et souffre encore de ces maux. A l’intérieur de son espace maritime, l’Indonésie doit, par exemple, affiner le tracé des voies de navigation des grands navires commerciaux et veiller à les faire respecter effectivement (poursuites et sanctions pour les contrevenants). Enfin, une politique de coopération internationale (et pas seulement régionale) doit se développer impérativement tant dans le domaine de la sûreté maritime que dans celui de la prévention des risques (pollution, accidents, catastrophes naturelles, etc.). L’Indonésie peut tout à fait être prescripteur en matière de normes, de pratiques et de réglementation ; cette démarche active étant l’affirmation manifeste de ses ambitions légitimes.

En marche vers les horizons nouveaux


Comme le dit Joko Widodo dans son discours, « nous avons besoin de l’esprit de courage pour faire face aux vagues » et, reprenant une image nautique, il se présente lui-même tel le capitaine du navire « Indonésie ». Tout ceci est logique, cohérent et digne d’un chef d’Etat qui sait où il va. Le but du voyage est une grande Indonésie (Indonesia Raya), celle qui accroîtra sa puissance, celle qui saura se faire respecter, celle qui apportera le bien-être à son peuple ; c’est vraiment une « noble intention » pour reprendre les mots de l’adresse inaugurale présidentielle.

Ne serait-ce que pour mettre en œuvre cette politique maritime, il ne s’agira pas de se précipiter mais d’avancer méthodiquement, « contre vents et marées ». Si le courage est nécessaire en cela, il s’agit d’être opiniâtre dans la tâche à accomplir, de ne pas perdre de vue le but à atteindre, tant les fruits de cette politique maritime ne se verront pas en quelques mois mais plutôt dans la longue durée. Et les fruits seront là, nécessairement, juste récompense face aux efforts accomplis. Souhaitons donc bonne route au navire « Indonésie » et saluons le Capitaine et son équipage !

Gravure représentant un navire
(temple de Borobudur, Java central, IXème siècle)

Notes :
(1) « Nous voulons être présent parmi les autres nations indépendantes avec dignité, avec fierté. Nous voulons construire notre propre civilisation, nous voulons devenir une nation créatrice, une nation qui contribue noblement à la civilisation mondiale ».
(2) « Les océans, les mers, les baies, et les détroits sont le futur de notre civilisation ».
(3) Il est pourtant un ancien militaire, certes de l’Armée de terre.
(4) Travail présenté le 29 novembre 1990 à l’université canadienne Simon Fraser.
(5) Ceci, conformément à la Convention des nations Unies sur le Droit de la Mer (Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 ; ratifiée par l'Indonésie en 1985 et entrée en vigueur le 16 novembre 1994) ; l'Indonésie « exerçant sa souveraineté sur les eaux séparant les îles de l’archipel », devenant ainsi le plus gros Etat archipélagique du monde.
(6) Le 13 décembre 1957, par le biais de la « Déclaration de Juanda », l’Indonésie se définissait le concept d’Etat archipélagique, avant de l’entériner trois ans plus tard juridiquement (Loi n° 4/Prp 1960).
(7) Entre le VIIème et le XIIIème siècle, le Royaume de Sriwijaya (Sud de Sumatra) rayonnait sur les mers et y imposait sa suprématie dans ce qui est aujourd'hui toute la partie Ouest de l'Indonésie.
(8) bien sûr, en plus des institutions de l’Etat (ministères, armées, administrations, agences, comités, etc.).
(9) ONU, Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (UNCLOS), Bureau Maritime International (IMB), Asia-Europe meeting, notamment.
(10) Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), Asia-Pacific Economic Cooperation, East-Asia Summit, Indian Ocean Rim Association, Asia Cooperation Dialogue, Pacific Economic Cooperation Counsil, notamment.
(11) L’Agence de Coordination des Affaires Maritimes (Bandan Koordinasi Keamanan di Laut).
(12) Le Secrétaire d’Etat, le ministre de l’intérieur, le Secrétaire à la défense, les ministres de la justice et des droits humains, des finances, des transports, des affaires maritimes et des pêches, de la Justice, le chef des Armées, de la Police nationale, le Directeur des services de renseignement, les chefs d’Etat-Major des armées.
(13) L’Amiral (CR) Tejo Edhy Purdijanto, nommé par le Président de la République.
(14) Elles sont au nombre de cinq : a) Formuler et déterminer la politique générale dans le domaine de la sécurité maritime. b) Coordonner l'exécution des activités et le fonctionnement de la sécurité maritime sur le  territoire maritime indonésien. c) Formuler et déterminer la réalisation du soutien technique et administratif dans le domaine de la sécurité maritime. d) Aider au renforcement des capacités institutionnelles dans le domaine de la sécurité maritime. e) Motiver l'amélioration de la participation communautaire dans le domaine de la sécurité maritime.
(15) Cf. lois dites DPOD (Dewan Pertimbangan Otonomi Daerah) de 1999, n°22 et 25. 
(16) La question des zones maritimes respectives dans la Mer de Chine méridionale est à cet égard très important tant il peut générer et génère des tensions entre Etats concernés. L’Indonésie doit œuvrer ensemble avec la Malaisie, les Philippines, le Vietnam et Brunei pour faire avancer le dossier devant les réclamations chinoises dans la zone. C’est en négociant ainsi groupé que la Chine pourrait peut-être être amenée à « assouplir » ses prétentions.
(17) Y compris les fonds marins (hydrocarbures, minerais, nodules polymétalliques, etc.).
(18) dont le Bakamla (Badan Keamanan Laut), l’Agence de sécurité maritime, créée il y a juste un an par décret présidentiel n°39/2013, ainsi que le Bakornas (Badan Koordinasi Nasional Penanggulangan Bencana), l’Agence de Coordination Nationale pour la Gestion des catastrophes.
(19) Trafics de stupéfiants, de bois, etc.

Iconographie :
Joko Widodo : 
http://media.cmgdigital.com/shared/lt/lt_cache/thumbnail/960/img/photos/2014/10/19/cf/24/4d13211e03c145169e3096712cc60ef5-91572e361ce3467a93075e2eeb4bc957-0_1.jpg
KRI Dewaruci
https://djolbis.files.wordpress.com/2012/05/kridewaruci.jpg
Gravure de navire :
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/30/Borobudur_ship.JPG




4 novembre 2014

Discours inaugural du nouveau Président indonésien Joko Widodo

Prononcé le 20 octobre 2014.
[trad. pers.]


Nous, Jokowi et JK (1), venons juste de prononcer nos serments. Ce serment a une profonde signification spirituelle qui renforce notre engagement à devenir une grande nation. Il est temps d’unir nos cœurs et nos mains, et de poursuivre le lourd labeur en vue de transformer l’Indonésie en un pays souverain politiquement, auto-suffisant économiquement, et avec un caractère fort culturellement.

Je suis sûr que nous pouvons partager cette lourde tâche ensemble, dans l’unité et par le biais du gotong royong (2) et dans le fait de travailler durement. Gotong royong est une condition préalable pour devenir une grande nation. Nous ne deviendrons jamais une grande nation si nous sommes divisés, nous ne serons jamais vraiment libre (3) sans travailler durement.

Mon administration s’assurera que chaque personne dans la patrie sente la présence de son gouvernement. Je suis certain que la nation sera plus forte si les institutions de l’Etat (lembaga negara) font leur travail conformément au mandat du peuple, comme il est écrit dans la Constitution.

Aux pêcheurs, laboureurs, fermiers, vendeurs de bakso (4), vendeurs des rues, chauffeurs, universitaires, enseignants, militaires, policiers, entrepreneurs et professionnels, je vous adjure de travailler dur, gotong royong, parce que c’est le moment historique pour nous tous d’aller ensemble, de travailler, travailler et encore travailler.

Nous voulons être présent parmi les autres nations indépendantes avec dignité, avec fierté. Nous voulons construire notre propre civilisation, nous voulons devenir une nation créatrice, une nation qui contribue noblement à la civilisation mondiale.

Nous devons travailler dur pour restaurer l’Indonésie en tant que pays maritime (5). Les océans, les mers, les baies, et les détroits sont le futur de notre civilisation.

Nous avons trop longtemps tourné le dos à la mer, aux océans, aux détroits, et aux baies. Il est temps de restaurer tout cela pour que "jalesveva jayamahe (6) ”, un slogan utilisé par nos aïeux, fasse de nouveau écho (7).

L’édification d’un pays ne peut pas se faire uniquement par son président et son vice-président, ainsi que par l’administration que je conduit, mais nous avons besoin d’une force collective. Les cinq prochaines années seront l’occasion d’un élan pour montrer notre liberté en tant que nation. C’est pourquoi, travailler, travailler et travailler est la priorité. Je suis certain qu’avec le travail dur et le gotong royong nous serons en mesure de protéger l’Indonésie dans son ensemble, d’améliorer le bien-être, et de contribuer à l’ordre du monde en accord avec les principes de liberté, de paix éternelle et de justice sociale.

Au nom du peuple et du gouvernement de l’Indonésie, je remercie et apprécie la présence des chefs d’Etats et des délégués spéciaux. En tant que troisième plus gros pays du monde (8), à la plus grande population musulmane mondiale, en tant que nation archipélagique (9) et la plus grosse nation d’Asie du Sud-Est, l’Indonésie continuera dans la mise en œuvre d’une diplomatie étrangère libre et active (10), pour l’intérêt national, et contribuera à la création d’un ordre mondial en accord avec les principes de liberté, de paix éternelle, et de justice sociale.

En ce moment historique, je remercie personnellement et au nom du Vice-Président Jusuf Kalla et au nom de l’Indonésie, le Président Susilo Bambang Yudhoyono et le Professeur Docteur Boediono (11) qui ont dirigé le gouvernement ces cinq dernières années.

Pour conclure ce discours, j’implore mes chers compatriotes, de se souvenir d’une chose dite par le premier président de la République d’Indonésie, Bung Karno (12). Afin de construire l’Indonésie en une grande nation, prospère et pacifique, nous avons besoin de l’esprit de courage pour faire face aux vagues.

En tant que Capitaine du navire ayant la confiance du peuple, je vous invite tous à bord du navire de la République d’Indonésie et de voguer vers Indonesia Raya (une grande Indonésie).

Nous allons dresser le mât, un mât fort. Nous ferons face aux marées dans l’océan avec notre propre puissance. Et je soutiendrai le peuple et la Constitution.

Que Dieu bénisse notre noble intention.

Que la Paix et la Miséricorde de Dieu soit sur vous (Wassalamualaikum warrahmatullahi wabarakatuh).
Que Dieu vous bénisse.
Que Dieu (13) nous apporte la Paix (Om shanti shanti om).
Je prends refuge dans le Bouddha (Namo Buddhaya).
Liberté ! (Merdeka!)

Le Président Joko Widodo

Notes :
(1) Jusuf Kalla, le nouveau vice-Président indonésien.
(2) Terme plutôt utilisé dans les années soixante et soixante-dix et devenu populaire dans le discours politique indonésien ; il signifie quelque chose comme « travailler ensemble dans un esprit d’assistance mutuelle ». Voir John R. Bowen, « On the Political Construction of Tradition : Gotong Royong in Indonesia », in Journal of Asian Studies, Vol.XLV, Mai 1986.
(3) Le terme utilisé ici est merdeka revêt un caractère particulier, sensible, dans l’esprit des indonésiens, en ceci qu’il évoque explicitement non seulement les durs combats (revolusi) qui ont conduit leur pays à l’indépendance en 1945 (officiellement en 1949 à l’ONU), mais aussi ceux menés pour maintenir cette indépendance face aux deux blocs et aux impérialismes de l’après-guerre (par le Président d’alors, Soekarno).
(4) Plat typique et populaire composé de boulettes de viande et proposé notamment par les vendeurs de rues.
(5) Le pays se dit en Indonésien Tanah air, un terme qui littéralement signifit « terre et eau ».
(6) Terme sanscrit signifiant « par la mer nous triomphons » ; c’est la devise de la Marine indonésienne (TNI-AL).
(7) Au cours de la mandature précédente, quand bien même le Président Susilo Bambang Yudhoyono (ancien Général issu de l’Armée de Terre) avait les coudées franches (deux mandats), avait évoqué publiquement ce thème, avait les personnes compétentes à ses côtés (on peut citer notamment Dino Patti Djalal dont la thèse de doctorat traitait excellemment du sujet en question, à savoir : « Concepts géopolitiques et comportement territorial maritime dans la politique étrangère indonésienne »), rien n’a été malheureusement fait de façon majeure, durant dix ans, dans le sens d’une réelle politique maritime en Indonésie.
Jokowi a nommé au sein de son gouvernement un « ministre coordinateur des affaires maritime » ; une création de poste. C’est à Indroyono Susilo que le Président à confié cette tâche importante.
(8) L’Indonésie compte près de 250 millions d’habitants.
(9) Le 13 décembre 1957, par le biais de la « Déclaration de Juanda » (Juanda Kartawidjaja, le premier ministre de l’époque), l’Indonésie se définissait le concept d’Etat archipélagique, avant de l’entériner trois ans plus tard juridiquement (Loi n° 4/Prp 1960). Plus tard, conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 ; ratifié par l’Indonésie en 1985, entrée en vigueur le 16 novembre 1994) la chose était avalisée et reconnue internationalement ; l’Indonésie « exerçant sa souveraineté sur les eaux séparant les îles de l’archipel », devenant ainsi le plus gros Etat archipélagique du monde.
(10) Le fait pour l'Indonésie d'avoir une diplomatie « libre et active » (« bebas aktif » en Indonésien) est une tradition datant de 1948, énoncé par le Vice-président d'alors, Mohammad Hatta. Cette diplomatie singulière n'a jamais signifié pour autant que celle-ci fût neutre, indifférente et passive, tout au contraire. Le terme « libre » faisant référence à la liberté de l'Indonésie dans sa détermination d'avoir une position et un jugement propres au sujet des affaires du monde et aussi libre vis-à-vis des blocs ainsi que dans ses alliances militaires. Quant au terme « actif », il signifie que la diplomatie indonésienne est menée en amont et de manière constructive, dans le désir de contribuer à la réalisation de la paix, de la justice, de l'amitié et de la coopération mutuelle entre toutes les nations du monde.
On pourra lire l'article présent sur ce blog : http://philippe-raggi.blogspot.fr/2013/01/une-rupture-historique-dans-la_16.html 
(11) Ancien vice-président indonésien.
(12) Surnom populaire donné au premier Président de l’Indonésie : Soekarno.
(13) Il s'agit ici du dieu Hindou. Dans ces dernières phrases rituelles, Jokowi évoque les grandes composantes religieuses de la nation indonésienne (musulmanes, chrétiennes, hindoues et bouddhistes).

Iconographie : 
Portrait du Président Jokowi :
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/35/Joko_Widodo_HD.png